Le Figaro
12-4-2016
Selon une association de victimes, une trentaine de diocèses seraient concernés.
La vraie nouveauté des mesures annoncées, mardi à Paris, par
la Conférence des évêques de France, pour renforcer «la vigilance» et la lutte
contre les prêtres pédophiles, ne réside pas dans la création de «cellules
d'accueil, d'écoute et d'accompagnement» pour les victimes dans tous les
diocèses assortie d'un site Internet d'accueil et d'une adresse mail paroledevictimes@cef.fr. Plusieurs
diocèses en disposent déjà, à commencer par celui de Lyon, mais «elles n'ont
pas fait preuve d'efficacité», observe Bertrand Virieux, secrétaire de l'association
de victimes La parole libérée. Il se souvient d'une «confrontation
agressé-agresseur» dans le cadre de cette cellule «qui n'avait rien donné
essentiellement par manque de compétence des personnes en charge».
Ce qui fut d'ailleurs l'une des raisons profondes des
scandales qui secouent le
diocèse de Lyon car
les victimes du père Bernard Preynat - il y en a 64 recensées à ce
jour par La parole libérée - ont finalement constaté qu'elles n'avaient pas
réussi à se faire entendre en voyant ce prêtre toujours potentiellement au
contact d'enfants en 2015.
Un engagement public
La vraie nouveauté est plutôt dans l'engagement public pris par
le président de la Conférence épiscopale, Mgr Georges Pontier, au nom du
«Conseil permanent» (composé de dix évêques élus), de «faire la lumière» sur
«les cas particuliers», «mêmes anciens» qui «demeurent» dans «l'histoire des
diocèses»: «Nous nous engageons à faire ce travail comme nous le faisons sur
les cas portés à notre connaissance par les victimes.»
Ce qui veut dire - à la suite de l'affaire lyonnaise qui a
vu effectivement resurgir, sous l'épiscopat du cardinal Barbarin des affaires
gérées par trois de ses prédécesseurs -, que l'Église de France est décidée à
ne plus seulement réagir à des plaintes courantes mais à mener une sorte d'inventaire
de tous ses prêtres. Ceux dont la mémoire du diocèse murmure qu'ils ont
été impliqués dans des affaires de pédophilie, mais sans jamais être inculpés,
faute de plaintes. Ceux qui furent inculpés, jugés, qui ont accompli une peine
judiciaire, puis ont été réintégrés dans une fonction pastorale. L'idée, a
expliqué Mgr Pontier, une fois ces cas repérés, sera de «prendre des
mesures conservatoires nécessaires» afin «de tout mettre en œuvre pour protéger
les enfants et les jeunes». Par exemple, une «suspension immédiate» du
sacerdoce quitte «à aménager» ensuite la décision.
Mais l'archevêque de Marseille n'a pas caché «la difficulté»
pour les évêques qui ne sont pas des «employeurs» de prendre de telles
décisions en raison de «la proximité» avec leurs prêtres et de la «relation de
confiance» qu'ils entretiennent avec eux. Ému, le président des évêques a même
eu du mal à réprimer son indignation face à «la violence» d'une société qui «jugerait
quelqu'un, impardonnable, jusqu'à sa mort» parce qu'«il n'aurait plus aucune
chance de redémarrer!», rappelant haut et fort la prégnance de la culture
chrétienne du «pardon».
Il a alors dit ne pas pouvoir oublier «le visage» de ces
«prêtres» qui ont effectivement très gravement fauté mais tout autant les
visages des «victimes et de leurs familles». Expliquant alors indispensable
pour les évêques, l'assistance d'un conseil «extérieur» au diocèse pour les
aider à retirer «par précaution» un prêtre du service même pour des affaires
très anciennes et non instruites.
D'où l'annonce de la seconde mesure phare: la création,
avant l'été, d'une «commission nationale d'expertise indépendante» présidée par
une «personnalité laïque qualifiée» assistée d'experts (anciens magistrats,
médecins, psychologues, parents). En cas de doute l'évêque pourra la saisir
afin de trancher.
Bertrand Virieux dont l'association La parole libérée a
actuellement reçu des plaintes «d'affaires anciennes dans une trentaine de
diocèses en France» refuse de «dénigrer» ce train de mesures épiscopales. Mais
il se demande: «Pourquoi ne pas interdire immédiatement de tout contact
pastoral tout prêtre, impliqué dans des violences sexuelles ou des actes
pédophiles?»
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