Dans une ambiance qui s'annonce lourde, le cardinal Barbarin va réunir demain les prêtres de son diocèse de Lyon pour faire le point sur les affaires de pédophilie et d'agressions sexuelles qui le fragilisent et éclaboussent l'Eglise.
Selon l'invitation adressée aux prêtres, il s'agira de faire le «point sur les affaires en cours», les «décisions prises» et de plancher sur des «orientations nouvelles» pour les critères de nomination et d'accueil de religieux au sein du diocèse. Une rencontre dont devraient sortir peu de choses concrètes.
Mais après des semaines de révélations en cascade et cinq plaintes accusant le cardinal Barbarin de n'avoir pas dénoncé ces agressions à la justice, elle permettra de prendre le pouls des religieux de terrain, ceux qui sont en contact direct avec les ouailles et ont pu échanger sur la réponse, souvent jugée insuffisante, de l'Eglise à ces scandales.
«L'état d'esprit est très lourd à mon avis. La lettre (envoyée) aux prêtres par +La Parole Libérée+ a fait mouche, il me semble. Elle a surtout créé la division dans le clergé entre négationnistes et +Savonaroles+», glisse un prêtre du diocèse sous le couvert de l'anonymat, en référence au prédicateur italien qui dénonçait au XVe siècle la corruption morale des prélats romains.
L'association «La Parole Libérée» regroupe des victimes de prêtres pédophiles et a notamment permis de mettre à jour les agissements, jusque-là tus, du père Bernard Preynat il y a plus de 25 ans sur des scouts de la région lyonnaise. Très active, elle a écrit cette semaine aux quelque 600 prêtres du diocèse en leur demandant de se faire «les porte-parole des victimes silencieuses» lors de la réunion de lundi.
Divisions en interne
Un courrier qui a pour l'instant reçu peu de réponses, selon François Devaux, un des fondateurs de l'association. «L'ensemble de cette institution est-elle à dérive sectaire ou est-ce qu'il y a des gens qui sont capables de se désolidariser de cette institution ?», se demande-t-il. Quelques réponses illustrent les divergences de vue sur le sujet.Certains ne semblent pas avoir pris la mesure du problème, à l'instar de ce prêtre qui écrit : «savez-vous que grâce (?) à vous, certains distributeurs des enveloppes du denier de l'Église se sont mis en grève ?». D'autres soutiennent la démarche des victimes et proposent par exemple que le diocèse se constitue partie civile devant la justice afin de «lever toute ambiguïté sur la position du diocèse : du côté victimes, plutôt que du côté des prêtres agresseurs», écrit un religieux de la banlieue lyonnaise.
Six affaires de pédophilie ou d'agressions sexuelles empoisonnent la vie du diocèse de Lyon depuis quelques mois, certaines en cours d'examen par la justice, d'autres déjà jugées et refaisant surface.
La principale est celle du père Bernard Preynat, mis en examen fin janvier pour des agressions pédophiles sur des scouts entre 1986 et 1991.
Parallèlement à ce dossier, Mgr Barbarin est visé par quatre plaintes pour non-dénonciation d'agressions sexuelles.
Un haut responsable du ministère de l'Intérieur a également porté plainte contre le cardinal, auquel il reproche de ne pas avoir écarté un autre prêtre du diocèse, contre lequel il avait porté plainte en 2009 pour des attouchements sexuels commis à ses 16 ans et à sa majorité (affaire classée pour prescription).
Le cardinal Barbarin de son côté nie catégoriquement avoir couvert des faits de pédophilie. Reste que ces révélations ont obligé l'Église de France à se montrer plus ferme sur le sujet : elle a annoncé récemment une série de mesures dont la mise en place de cellules d'écoute des victimes.
L'ex-prêtre mis en examen
Jean-Marc Desperon, l'ex-prêtre du Tarn-et-Garonne âgé de 62 ans, a été mis en examen hier à Montauban pour «agression sexuelle aggravée sur mineur». Il a été placé sous mandat de dépôt.
L'homme, qui avait été «exfiltré» du diocèse de Lyon en 1994, avait disparu il y a quelques jours dans le Tarn-etGaronne avant d'être retrouvé chez lui par les gendarmes. C'est une amie du suspect qui avait déclaré la disparition. Elle avait aussi fait part aux autorités d'une confession de l'homme relative à des attouchements dans sa sphère familiale sur un mineur de 15 ans à Toulouse.
Geen opmerkingen:
Een reactie posten