Le Monde
Par Laurent Marot (Cayenne, correspondance)
Il a été signalé par son propre évêque. Vendredi matin, à
8 heures (heure de Guyane), un prêtre de 65 ans, curé à Macouria, en Guyane française,
a été placé en garde à vue à la gendarmerie de Kourou. Le père H. est soupçonné
d’attouchements sexuels sur un mineur de 14 ans.
Une enquête avait
été ouverte à la suite du signalement de ce prêtre par l’évêque de Cayenne, Mgr Emmanuel
Lafont, et plusieurs plaintes ont été déposées contre lui.
« Selon le jeune garçon, les faits présumés se
seraient passés au dernier trimestre 2015 », explique au Monde Eric
Vaillant, procureur de la République. « Le jeune en a parlé à sa
mère il y a quelques jours, qui l’a dit à des membres du clergé, puis à
l’évêque », précise le procureur.
« Lundi soir, la
mère et l’enfant sont venus me voir à
l’évêché », confie au Monde Mgr Laffont.
Selon eux, les faits présumés ont eu lieu « chez le prêtre »,précise
le prélat. « Le lendemain, il était convoqué à l’évêché : il
a nié les faits. Je lui ai demandé de quitter sa
paroisse, et de se rendre à la
gendarmerie », poursuit Mgr Laffont.
Jeudi, le curé se rend à la brigade de gendarmerie de
Macouria, et l’évêque prévient le procureur de la République. « S’il
ne s’était pas présenté, j’aurais alerté les autorités », assure
Mgr Laffont.
Selon nos informations, lors de ce premier entretien, le
prêtre évoque les accusations pesant sur lui, mais nie, à nouveau, son
implication. Les gendarmes entendent ensuite l’enfant, qui relate « des
faits – présumés – juridiquement qualifiables d’agression sexuelle, ce qui
justifie le placement en garde à vue du curé, vendredi matin », explique
le procureur. « Le prêtre reconnaît avoir fait des
câlins », note vendredi soir Eric Vaillant, qui demande la
prolongation de la garde à vue. Le parquet a également demandé une expertise
pédopsychiatrique pour l’enfant, et envisagé une expertise psychiatrique pour
le prêtre.
Un prêtre originaire d’Haïti
« En apprenant qu’il était en garde à vue, je suis
tombé des nues », lâche Jean-Marc Amboise, membre du conseil
paroissial de Mirza, un quartier populaire de Cayenne, où ce prêtre a officié,
de 2008 à 2014. « Je n’ai jamais eu de soupçon, ni reçu de
plaintes des jeunes de la paroisse », poursuit Jean-Marc Amboise,
qui coordonnait également à l’époque la cinquième année de catéchisme. « C’était
un curé dynamique, qui a contribué à réhabiliter l’église,
la toiture, le presbytère… il a aussi lancé une collecte et mobilisé des fonds
publics pour édifier un clocher. »
Originaire d’Haïti, ce prêtre est missionnaire de la
congrégation des Oblats de Marie Immaculée. Après avoir exercé au Canada,
il est arrivé en Guyane en 2008 pour officier d’abord
à Cayenne, puis, depuis moins de deux ans, à Soula, dans la partie
résidentielle de ce quartier en pleine expansion, dans la commune de Macouria,
entre Cayenne et Kourou. « Je pense d’abord à l’enfant et au choc
qu’il dit avoir subi, je lui dis toute ma compassion et l’horreur par rapport
aux faits allégués », confie l’évêque de Guyane. « Pour
le reste, je fais confiance à la justice ».
Mgr Lafont, une figure d’ouverture
Mgr Lafont, évêque de Cayenne depuis 2004,
est plutôt considéré comme une figure d’ouverture au sein de l’épiscopat
français. Ce missionnaire a notamment été prêtre en Afrique du Sud de 1983 à 1996
et s’est beaucoup engagé dans la lutte contre l’apartheid.
Dans un tweet posté jeudi, il déclarait : « Est
péché, selon la Parole de Dieu, tout ce qui blesse l’intégrité spirituelle,
affective ou physique d’une personne surtout
d’un enfant. »
Cette affaire survient alors que plusieurs affaires de
pédophilie dans le diocèse de Lyon ont mis
à mal le cardinal Philippe Barbarin, visé par une plainte
pour non-dénonciation d’agression sexuelle.
- Laurent
Marot (Cayenne, correspondance)
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