Analyse de Joëlle Haroun, professeur de psychologie à la faculté des
lettres et à la faculté de santé publique à l’Université libanaise
Joëlle Haroun, apporte une parole de spécialiste originale, dans les Documents publiés sur le blog affairelbk Soutien aux victimes du Père Mansour Labaky
En effet elle est libanaise et porte un regard critique sur la société libanaise encore enfermée dans le filet des non-dits et de tabous, à propos des abus sexuels dont sont victimes les jeunes, en particulier les filles. Alors que ces questions sont débattues depuis des décennies aux USA, et en Europe, le Liban commence à aborder timidement ces questions avec des associations qu’il faut encourager, et avec l’aide de psychologues et de psychiatres spécialisés.
Mais la justice suit-elle ? c’est la question.
En effet elle est libanaise et porte un regard critique sur la société libanaise encore enfermée dans le filet des non-dits et de tabous, à propos des abus sexuels dont sont victimes les jeunes, en particulier les filles. Alors que ces questions sont débattues depuis des décennies aux USA, et en Europe, le Liban commence à aborder timidement ces questions avec des associations qu’il faut encourager, et avec l’aide de psychologues et de psychiatres spécialisés.
Mais la justice suit-elle ? c’est la question.
Les cas d’abus sexuel contre les enfants est un vrai problème de notre société. Toutefois, la vigilance est de mise dans l’établissement du verdict, tous les cas reportés ne sont nécessairement pas vrais.
Joëlle Haroun, professeur de psychologie à la faculté des lettres et à la faculté de santé publique à l’Université libanaise, met en garde contre une éventuelle « falsification » des faits par les enfants, comme c’était le cas du procès d’Outreau, en France, dans le cadre duquel dix-huit personnes étaient incriminées. Ce procès avait débouché sur une erreur judicaire, les enfants avouant, près de cinq ans plus tard, avoir menti.
« L’absence de souffrance morale dans l’entretien d’une victime pose davantage encore le problème de la crédibilité, insiste Joëlle Haroun. Ce n’est pas en comptant uniquement sur le récit qu’on s’assure de la crédibilité. Il est important d’être attentif aux changements de comportements chez l’enfant. »
Joëlle Haroun souligne dans ce cadre qu’un enfant abusé sexuellement « va se replier sur lui-même, parce qu’il réfléchit ». « Il ne comprend pas ce qui s’est passé, ajoute-t-elle. Il peut, au contraire, avoir un comportement exagérément exubérant. C’est sa manière d’appeler les adultes au secours. Des changements du rythme biologique sont également constatés, comme une difficulté à dormir ou à se nourrir, ou au contraire, un excès de nourriture pour compenser le stress. Un enfant abusé sexuellement développe aussi des symptômes psychosomatiques. Il tombe dans une maladie physique (angine, otite, etc.) pour se mettre à distance de l’abuseur. Je me rappelle le cas d’un jeune enfant chez qui une épilepsie s’est déclarée à l’âge de 15 ans. Il s’est avéré qu’il était victime d’abus sexuel. Lorsqu’il a fini par tout raconter à ses parents, il est “guéri”. Un changement dans la vie scolaire est également constaté chez ces enfants, comme une importante chute des notes, un débit soudain de violence à l’école… Malheureusement, toutes les familles ne vont pas prêter attention aux indices. On va traiter l’enfant de paresseux, lui administrer des médicaments pour dormir ou encore le prendre pour un hyperactif et l’abreuver de médicaments. Les médecins sont en partie responsables, parce qu’ils cherchent à soigner les symptômes et ne cherchent pas toujours à connaître les causes.»
Sauver les apparences
Joëlle Haroun dénonce en outre le silence affiché par les familles en cas d’abus sexuels, notamment lorsqu’il s’agit d’inceste. « J’avais une étudiante qui était venue me voir à la fin d’un cours pour me raconter que son grand-père la violait depuis des années, se souvient-elle. Elle a quitté la maison parentale et trouvé refuge chez une amie à elle, parce que ses cousins, qui ont su ce que le grand-père avait fait, la harcelaient. Quelques jours plus tard, je reçois un coup de fil de la maman. Elle était énervée par le comportement “violent” de sa fille. Au fil de la conversation, exaspérée, la maman finit par me lancer : “Et puis, qu’est-ce que ça peut faire ? Il l’a fait avec nous toutes et nous n’en sommes pas mortes !”. »
Et Joëlle Haroun de constater : « Malheureusement, dans de nombreuses situations, l’inceste est tu par les familles pour des contingences pratiques, sociales, on a peur du scandale, ou matérielles.Dans ces cas, on pense à sauver les apparences, sans éprouver aucune empathie envers la victime, qui est souvent jugée responsable de cet abus. Néanmoins, certaines victimes se révoltent. D’où l’importance de la prévention, notamment au sein des écoles, qui est normalement un lieu neutre et protecteur. Dès la maternelle, l’interdit et l’inceste peuvent être abordés dans un langage simple et ludique. Il faut que les enfants apprennent que les abus peuvent se faire à l’intérieur comme à l’extérieur de la maison et que ceux-ci ne doivent pas être tus, d’autant que les conséquences d’un abus sexuel peuvent être ressenties sur le long terme. Les parents doivent savoir aussi que le manque d’un vrai dialogue avec leur enfant peut faciliter l’abus. On a tendance, dans la société libanaise, de faire croire aux enfants que la parole des adultes est sacrée. Cela est très dangereux, puisque les pervers vont manipuler cette parole sacrée de l’adulte vis-à-vis de l’enfant. »
Victime et non malade
Une personne victime d’abus sexuel « peut guérir », affirme Joëlle Haroun, « à condition d’en parler ». « Malheureusement, dans la société libanaise, la plupart des victimes n’ont rien dit, indique-t-elle. Il faudrait que les gens soient orientés ou viennent spontanément en parler à des psychologues. Ces derniers ne doivent toutefois pas les prendre pour des malades, puisque tous les symptômes qui découlent de cet abus sont réactionnels et non pathologiques, d’autant qu’il s’agit de victimes. Il faut donc traiter les conséquences sur les victimes, sachant quenombreuses d’entre elles refusent d’accepter qu’elles le sont. Elles pensent plutôt qu’elles sont complices, puisqu’elles ne se sont pas bien défendues. Certaines victimes d’abus sexuels vont avoir une amnésie et dans ce cas, il faut recourir à des techniques oniriques approfondies pour faire remonter la scène traumatique. Oui, les victimes peuvent s’en sortir, à condition de bénéficier d’un bon accompagnement psychologique et psychosomatique. »
Geen opmerkingen:
Een reactie posten