Le procès du frère Pierre-Etienne s'ouvre le 30 novembre
24/11/2011
La Manche Libre
Cet ancien membre de la communauté des Béatitudes est soupçonné d'avoir agressé sexuellement une cinquantaine d'enfants entre 1985 et 2000. Il vécut un temps à l'Abbaye-Blanche de Mortain.
Le 30 novembre prochain s'ouvrira devant le tribunal correctionnel de Rodez le procès de Pierre-Étienne Albert, ancien membre de la communauté religieuse des Béatitudes, soupçonné d'avoir agressé sexuellement une cinquantaine d'enfants âgés de 5 à 14 ans entre 1985 et 2000 dans plusieurs régions de France. Une dizaine de ses victimes présumées se sont portées partie civile.
Abandon judiciaire en 2003
Cette issue judiciaire n'intervient qu'une dizaine, voire une vingtaine d'années après les premières révélations du prévenu. Dès les années 1990, Pierre-Etienne Albert aurait avoué auprès de ses supérieurs plusieurs attouchements sur des enfants appartenant ou fréquentant la communauté. Des aveux confirmés par le témoignage de Solweig Ely qui, à partir de 1989, a vécu avec ses parents à l'Abbaye-Blanche de Mortain où vivait alors le religieux. Douze ans plus tard, en 2011, Solweig Ely porte plainte pour agression sexuelle devant le tribunal d'Avranches. Une juge d'instruction est alors désignée, et le religieux entendu comme témoin assisté. Les faits étant prescrits et les autres victimes présumées ne dépendant pas de sa juridiction, la magistrate s'est déclarée incompétente en 2003.
Le temps des aveux
Entre temps, Pierre-Etienne Albert rejoint l’abbaye de Bonnecombe à Comps-la-Grand-Ville, près de Rodez, où vivent trois autres membres de la communauté. Ces derniers découvrent les agissements du religieux et le poussent à se livrer à la justice. Le religieux finit par accepter et, en 2007, dresse une liste avec les noms de 57 victimes. Désigné en février 2008, un magistrat instructeur de Rodez met en examen le suspect pour attouchements sexuels et le place sous contrôle judiciaire.
24/11/2011
Solweig Ely habite au Sud de Rennes. Agée de 31 ans, elle est mère de quatre enfants. Elle raconte son histoire dans un livre “Le silence et la honte”, aux Editions Lafon qui sort le 17 novrembre.
Son livre “Le silence et la honte” retrace les odieuses agressions subies par la jeune femme. Solweig Ely avait 9 ans quand elle a été agressée sexuellement par un moine de l’Abbaye Blanche de Mortain.
■ Comment êtes-vous arrivée à la communauté des Béatitudes de Mortain ?
“En 1989, mes parents et mes deux petites soeurs, âgées de 6 ans et 18 mois, habitions à Dinan. Mon père travaillait comme percepteur au Trésor Public. Ma mère avait noué des contacts avec la communauté des Béatitudes de Saint-Broladre. En 1989, mes parents ont décidé de vivre au sein de cette communauté. Elle nous affecta à l’Abbaye Blanche de Mortain où nous avons posé nos valises à l’été 1989.”
■ Quels souvenirs avez-vous de cette période ?
“Nous étions coupés du monde. Le seul lien avec l’extérieur était l’école mais nous ne déjeunions pas à la cantine. Si on était invité à un anniversaire, il fallait demander la permission au “berger”, le chef de la communauté, qui en général disait “non”. Les activités extrascolaires du mercredi nous étaient interdites. L’autorité du chef de famille était transférée au “berger”. Nous voyions très peu nos parents, occupés à travailler et à prier toute la journée.”
■ Comment s’est passée la rencontre avec le frère Pierre- Etienne ?
“C’était un musicien extraordinaire qui animait les cérémonies comme personne. Il était très proche des enfants, très tactile. Il s’est intéressé à moi. Il s’est rapproché de mes parents, les appelant “papa” et “maman”. Vers 20 h, il quittait la table du repas des adultes et venait me voir dans ma chambre. Il me parlait de l’amour de Dieu, du don de soi. Puis au fil des soirées, il s’asseyait plus près de moi… Cela a duré d’octobre à décembre 1989 et de janvier à avril 1990.”
■ En avez-vous parlé à vos parents ?
“Non, je me sentais coupable, j’avais l’impression d’être une mauvaise chrétienne car je ne supportais pas ses gestes. J’avais essayé d’alerter mes parents avec un dessin. Pierre-Etienne m’avait donné une représentation du sacré coeur de Jésus et au-dessus était inscrit “Seigneur, tu es mon amour”. J’ai rajouté Seigneur tu es “mon seul” amour et je l’ai montré à ma mère qui n’a pas compris.”
■ Début juillet 1990, vous quittez la communauté…
“Mes parents voulaient continuer la discipline des Béatitudes mais en vivant dans le monde. Nous sommes partis dans le Sud de la France. J’ai à nouveau subi des attouchements et j’en ai parlé à ma mère. Elle m’a envoyée dans ma chambre. Un mois plus tard, nous avons reçu la visite de Pierre- Etienne. C’était un cauchemar. Pour mes parents, j’étais la porte du diable.”
■ Votre adolescence se passe mal. Vous êtes placée en famille d’accueil dans la Manche, puis à 21 ans vous décidez de porter plainte. Pourquoi ?
“En 2001, à Saint-Lô, je me suis confiée à un des responsables de l’aide sociale à l’enfance qui s’était occupé de moi. J’ai raconté les agressions dont j’ai été victime. Il a fait un signalement et la compagnie de gendarmerie d’Avranches m’a convoquée. J’ai déposé plainte et plus de nouvelles. Pendant six ans, j’ai cru que j’avais inventé cette histoire. Jusqu’aux aveux de Pierre-Etienne en 2007.”
■ Qu’attendez-vous du procès?
“Je souhaite que Pierre-Etienne prenne conscience du mal qu’il a fait. Je réclame justice, pas vengeance. J’attends des réponses des responsables de la communauté mais j’ai peu d’espoir.”
La Manche Libre.fr, Nicolas Thomas,
Geen opmerkingen:
Een reactie posten