woensdag, april 13, 2016

L'Église veut ouvrir les anciens dossiers de pédophilie


Le Figaro
12-4-2016

Selon une association de victimes, une trentaine de diocèses seraient concernés.


La vraie nouveauté des mesures annoncées, mardi à Paris, par la Conférence des évêques de France, pour renforcer «la vigilance» et la lutte contre les prêtres pédophiles, ne réside pas dans la création de «cellules d'accueil, d'écoute et d'accompagnement» pour les victimes dans tous les diocèses assortie d'un site Internet d'accueil et d'une adresse mail paroledevictimes@cef.fr. Plusieurs diocèses en disposent déjà, à commencer par celui de Lyon, mais «elles n'ont pas fait preuve d'efficacité», observe Bertrand Virieux, secrétaire de l'association de victimes La parole libérée. Il se souvient d'une «confrontation agressé-agresseur» dans le cadre de cette cellule «qui n'avait rien donné essentiellement par manque de compétence des personnes en charge».

Ce qui fut d'ailleurs l'une des raisons profondes des scandales qui secouent le diocèse de Lyon car les victimes du père Bernard Preynat - il y en a 64 recensées à ce jour par La parole libérée - ont finalement constaté qu'elles n'avaient pas réussi à se faire entendre en voyant ce prêtre toujours potentiellement au contact d'enfants en 2015.

Un engagement public
La vraie nouveauté est plutôt dans l'engagement public pris par le président de la Conférence épiscopale, Mgr Georges Pontier, au nom du «Conseil permanent» (composé de dix évêques élus), de «faire la lumière» sur «les cas particuliers», «mêmes anciens» qui «demeurent» dans «l'histoire des diocèses»: «Nous nous engageons à faire ce travail comme nous le faisons sur les cas portés à notre connaissance par les victimes.»

Ce qui veut dire - à la suite de l'affaire lyonnaise qui a vu effectivement resurgir, sous l'épiscopat du cardinal Barbarin des affaires gérées par trois de ses prédécesseurs -, que l'Église de France est décidée à ne plus seulement réagir à des plaintes courantes mais à mener une sorte d'inventaire de tous ses prêtres. Ceux dont la mémoire du diocèse murmure qu'ils ont été impliqués dans des affaires de pédophilie, mais sans jamais être inculpés, faute de plaintes. Ceux qui furent inculpés, jugés, qui ont accompli une peine judiciaire, puis ont été réintégrés dans une fonction pastorale. L'idée, a expliqué Mgr Pontier, une fois ces cas repérés, sera de «prendre des mesures conservatoires nécessaires» afin «de tout mettre en œuvre pour protéger les enfants et les jeunes». Par exemple, une «suspension immédiate» du sacerdoce quitte «à aménager» ensuite la décision.

Mais l'archevêque de Marseille n'a pas caché «la difficulté» pour les évêques qui ne sont pas des «employeurs» de prendre de telles décisions en raison de «la proximité» avec leurs prêtres et de la «relation de confiance» qu'ils entretiennent avec eux. Ému, le président des évêques a même eu du mal à réprimer son indignation face à «la violence» d'une société qui «jugerait quelqu'un, impardonnable, jusqu'à sa mort» parce qu'«il n'aurait plus aucune chance de redémarrer!», rappelant haut et fort la prégnance de la culture chrétienne du «pardon».

Il a alors dit ne pas pouvoir oublier «le visage» de ces «prêtres» qui ont effectivement très gravement fauté mais tout autant les visages des «victimes et de leurs familles». Expliquant alors indispensable pour les évêques, l'assistance d'un conseil «extérieur» au diocèse pour les aider à retirer «par précaution» un prêtre du service même pour des affaires très anciennes et non instruites.

D'où l'annonce de la seconde mesure phare: la création, avant l'été, d'une «commission nationale d'expertise indépendante» présidée par une «personnalité laïque qualifiée» assistée d'experts (anciens magistrats, médecins, psychologues, parents). En cas de doute l'évêque pourra la saisir afin de trancher.

Bertrand Virieux dont l'association La parole libérée a actuellement reçu des plaintes «d'affaires anciennes dans une trentaine de diocèses en France» refuse de «dénigrer» ce train de mesures épiscopales. Mais il se demande: «Pourquoi ne pas interdire immédiatement de tout contact pastoral tout prêtre, impliqué dans des violences sexuelles ou des actes pédophiles?»



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